Celui qui sait écouter les bruissements du temps ne salit pas la lumière.
Le photographe humble se garde bien des évidences qui éclaboussent le regard, le déroutent de son chemin jusqu’à le perdre dans la forêt dense des clichés. Il sait se taire, au point parfois de baisser si fortement la lumière, qu’il nous semble moins aisé de voir ce que nous savons être en face de nous, ou du moins, ce que nous pensons savoir de ce qui est là. Les photographies d’Arianna Sanesi ne sont pas faciles, elles nous demandent du temps, pour traverser le voile de nos habitudes, pour accepter les variations d’un ton plutôt que la variété divertissante de couleurs brillantes, pour pénétrer doucement dans le sombre et y entrevoir la présence d’une réalité profonde : celle de la présence qui en se communiquant à nous, permet à nos yeux de rester propres.
Chaque jour de son mois de résidence, la photographe a fait un bout de chemin, à pieds, avec son matériel, sous un ciel qui ne lui aura rien épargné, à elle qui recherche le lien entre tout. Ayant lu, regardé, étudié les Renoir, parcouru les paysages du pays d’Othe, du Chaourcois, du Barséquanais jusqu’à Essoyes, prenant la mesure d’un caillou, d’un pommier, d’un hibou, d’un portrait et d’une atmosphère ; Arianna Sanesi murmure des mystères quotidiens qui semblent s’être échappés de la palette du peintre ou de la pellicule du cinéaste. Rien de mirobolants, seulement l’odeur de la terre après la pluie, un visage silencieux, une beauté grave comme la mésange alitée, inerte, ou encore le vent qui cherche comment s’habiller. Cela s’appelle du respect pour la vie, celle de toute vie au grè du temps qui passe sans jamais se perdre, mais en nous égarant parfois en cours de route. Cela s’appelle de la poèsie ...
Merci Arianna Sanesi.
texte par Philippe Brame , photographe, poète et commissaire d'exposition.
Texte écrit en occasion de l'exposition du projet La Ligne en fin de résidence Renoir, partenariat entre la Mairie d' Essoyes et l'Association Tournefou, Juin 2019.